Du 16 au 23 juin 2025, l’équipe du Mouvement Laudato Si’ (MLS) Afrique s’est rendue au Sénégal avec une mission claire : renforcer le réseau catholique qui défend la transition du pays des combustibles fossiles vers les énergies renouvelables. Mais à Dakar, nous avons découvert bien plus que des sessions de stratégie et des ateliers : nous avons rencontré la Teranga, l’esprit sénégalais de chaleur, de générosité et de solidarité. Il était vivant non seulement dans les personnes que nous avons rencontrées, mais aussi dans le mouvement croissant pour la justice écologique, nous rappelant que le véritable changement est enraciné à la fois dans la communauté et dans l’espérance.

 

Construire le réseau pour les énergies renouvelables

Notre visite a commencé par des retrouvailles sincères avec les membres locaux, en particulier les dirigeants de notre section et Arouna Kandé, l’une des voix centrales du film La Lettre. Ensemble, nous avons donné le ton à une semaine de réunions stratégiques et à un atelier historique consacré à l’accélération de la transition vers les énergies renouvelables au Sénégal, un pays où le présent porte encore les cicatrices du charbon et du gaz, mais où l’avenir est plein de possibilités.

L’un des moments les plus importants a été notre audience avec monseigneur André Gueye, le nouvel archevêque de Dakar. Nous avons partagé notre vision de l’impulsion donnée par l’Église aux énergies renouvelables et de la célébration prochaine du 10e anniversaire de Laudato Si’. L’archevêque a salué les progrès accomplis jusqu’à présent et a appelé à la création d’un réseau fort et uni pour une action concrète. Son assurance de soutien est un signe clair : l’Église du Sénégal est prête à montrer l’exemple.

 

Une formation pour l’action : l’atelier de l’UCAO

Le 19 juin 2025, à l’université catholique d’Afrique de l’Ouest (UCAO) à Dakar, nous avons organisé une formation en personne qui a rassemblé 100 participants issus de congrégations catholiques, d’Animateurs Laudato Si’, de leaders musulmans, d’étudiants universitaires, de chercheurs et d’organisations de la société civile.

Les discussions ont été urgentes et franches : la forte dépendance du Sénégal à l’égard des combustibles fossiles est incompatible avec les projets de durabilité écologique financés par le Partenariat pour une transition énergétique juste (JETP). Bien qu’elle soit axée sur les énergies renouvelables et l’accès à l’énergie, la transition énergétique du Sénégal est complexe en raison des projets d’exploitation des ressources pétrolières et gazières du pays, qui contribuent de manière significative aux émissions liées à la production d’électricité. Cette double dépendance soulève des inquiétudes quant à l’alignement sur les objectifs climatiques du partenariat. Ensemble, nous avons exploré le potentiel inexploité du pays en matière d’énergies renouvelables et la puissance des réseaux de défense interconfessionnels.

L’atelier s’est achevé par la projection du film La Lettre et par une présentation spéciale d’Arouna Kandé au public et aux médias. Ce moment a souligné le rôle des voix locales dans l’élaboration du changement mondial.

L’île de Gorée : se souvenir des injustices, inspirer le changement

Le 21 juin, nous avons visité l’île de Gorée, une terre de onze hectares marquée par les profondes cicatrices de l’histoire. Autrefois point de départ de plus de 33 000 Africains réduits en esclavage, elle reste un rappel solennel de la capacité d’exploitation de l’humanité. Son histoire résonne avec les mots du pape François dans Laudato Si’ (51), où il parle de notre « dette écologique » : une dette qui, comme les blessures de Gorée, nous appelle à la justice, à la mémoire et à la transformation.

Le directeur de la maison des esclaves nous a fait découvrir les réalités brutales : des vies volées, des ressources pillées et des blessures qui ont encore besoin d’être réparées. Aujourd’hui, Gorée est confrontée à une nouvelle injustice : l’élévation du niveau de la mer menace d’engloutir ses côtes, tandis que les habitants n’ont plus de terres à cultiver. Les parallèles entre l’injustice historique et l’injustice écologique ne pourraient être plus clairs.

 

Bargny : là où les femmes de foi s’unissent contre le charbon

Notre visite à Bargny, une communauté de pêcheurs à majorité musulmane, a révélé à la fois de profondes souffrances et un courage remarquable. Ici, la centrale à charbon domine une étroite bande côtière où des générations de femmes ont fumé et séché le poisson, la colonne vertébrale de l’économie locale. Depuis la construction de la centrale, plus de la moitié des 1 500 femmes qui travaillaient autrefois sur le littoral ont perdu leurs moyens de subsistance et les stocks de poissons ont chuté de 30 à 50 %.

La poussière de charbon pollue l’air, les eaux usées toxiques se déversent dans l’Atlantique et un lac entier a été asséché. Pourtant, les femmes de Bargny, qui mènent la campagne « Bargny soufre », refusent de reculer. Leur résistance n’est pas seulement économique, elle est aussi profondément spirituelle : elles rejettent un site de relocalisation proposé par le gouvernement parce qu’il se trouve sur une terre sacrée, censée être protégée par la déesse Bargny. Pour eux, la protection de cet espace est autant une question de survie culturelle et spirituelle que de justice environnementale.

La foi au cœur de la transition

Notre séjour au Sénégal s’est achevé par la messe du Saint Sacrement du corps et du sang du Christ à la cathédrale de Dakar, où le célébrant a offert des prières spéciales pour le 10e anniversaire de Laudato Si’. Nous avons ensuite rencontré de manière informelle le père Sebastian, point focal Laudato Si’ pour la Conférence épiscopale du Sénégal, afin de tracer la voie à suivre : renforcer les partenariats, élargir l’agenda des énergies renouvelables et approfondir la solidarité interreligieuse.

Un esprit qui plane

Des pierres historiques de Gorée aux rivages résilients de Bargny, une vérité a émergé : l’esprit de la Teranga n’est pas passif, c’est une force du changement. Enraciné dans la générosité, l’unité et l’humanité partagée, il est le fondement d’un mouvement qui unit les chrétiens, les musulmans et les personnes de toutes origines dans la lutte pour un avenir énergétique juste et durable.

Au Sénégal, la foi et la culture s’élèvent ensemble, portant l’espérance comme une bannière : des énergies fossiles aux énergies renouvelables, la transition n’est pas seulement possible, elle prend déjà son envol.