Depuis les résultats des élections européennes et l’annonce de la dissolution de l’Assemblée Nationale, le 9 juin, la France vit une situation complexe. Les prises de parole se multiplient sur un contexte qui est effectivement grave et incertain. Pour autant, le dialogue est souvent très difficile, et le sujet est parfois impossible à aborder autour de soi. “Le dialogue a été remplacé par les invectives”, témoignait un animateur Laudato Si’.
Les causes de cette crise sont plus profondes, et remontent plus loin que les résultats des élections, comme la Conférence des Évêques de France nous le rappelle.
La décision de dissoudre l’Assemblée nationale a bouleversé le paysage politique mais les problèmes et enjeux sur lesquels nous interpellions les candidats lors des élections européennes – dans un appel collectif avec beaucoup d’organisations catholiques et œcuméniques, des mouvements, des congrégations – sont toujours là. Travailler à une sortie des énergies fossiles pour préserver le climat nécessaire à tous, défendre la justice climatique internationale, accompagner une conversion des systèmes agricoles qui préserve à la fois la maison commune et la dignité du travail de chacun, sortir du “paradigme technocratique” et des fausses solutions espérées de la technique seule, proposer un horizon au-delà du consumérisme : ce sont autant de sujets essentiels pour le bien de tous et en particulier des plus vulnérables.
Le Mouvement Laudato Si’ réunit des personnes et des organisations diverses, qui œuvrent chacune à leur manière pour faire face à cette crise. Nous défendons une approche globale des problèmes, qui recherche les solutions qui prennent en compte toute la complexité d’une crise dans laquelle cela n’aurait pas de sens d’opposer mesures environnementales et mesures sociales : “Il n’y a pas deux crises séparées, l’une environnementale et l’autre sociale, mais une seule et complexe crise socio-environnementale. Les possibilités de solution requièrent une approche intégrale pour combattre la pauvreté, pour rendre la dignité aux exclus et simultanément pour préserver la nature.” (Laudato Si’ n°139)
Notre rôle est d’élever une voix prophétique, de remettre en cause de façon stratégique les structures du péché et d’appeler à un “ changement radical ” (Laudato Si’ n°171) tout en étant ouverts au dialogue. Notre travail prophétique reste apolitique et non-violent.
Unies dans la diversité, chacune des personnes et des organisations de notre mouvement s’engage dans le soin pour la maison commune et le fait à sa manière : certains d’une façon plus militante et visible, d’autres dans la discrétion, l’écoute, le dialogue. Cette diversité des voix est ce dont nous avons besoin pour porter un message essentiel et ouvrir des chemins pour “qu’un fleuve de justice et de paix se répande”, pour faire grandir “les prémices de l’espérance”.
En tant que chrétiens, nous avons la responsabilité d’agir, et nous devons le faire au sein de ces élections puisque “il faut être sincère et reconnaître que les solutions les plus efficaces ne viendront pas seulement d’efforts individuels, mais avant tout des grandes décisions de politique nationale et internationale.” (Laudate Deum n°69). Nous ne pouvons donc pas ignorer le rendez-vous de ces élections législatives et les enjeux qui y sont liés. Prenons le temps de discerner, de regarder les programmes. Ayons le courage de ne pas nous dérober et d’aller voter, parce que notre vote est une action essentielle pour le bien commun, qui “ne se satisfait pas de l’intérêt général, souvent réduit à celui du plus grand nombre” mais qui “cherche le bien de tous et de chacun, dans une organisation sociale qui le permet”, comme le rappelait récemment Mgr Leborgne.
De là où chacun d’entre nous se trouve, une chose paraît essentielle : rouvrir des espaces de dialogue où chacun s’écoute, essaie de se comprendre, où le point de vue de l’un enrichit le regard de l’autre.
Dans une société fracturée et au sein de la crise, nous sommes appelés plus que jamais à être artisans de paix. Notre monde offre peu de lieux où des personnes de milieux et d’opinions différents peuvent se rencontrer et se parler. Créons ces espaces autour de nous. Soyons des témoins de l’amour et de l’espérance reçus de Dieu. Osons dire la vérité sur la souffrance de notre monde, celle de la Création et celles des hommes et des femmes qui y vivent, avec douceur et fermeté. Osons ouvrir notre cœur, “transformer en souffrance personnelle ce qui se passe dans le monde, et ainsi de reconnaître la contribution que chacun peut apporter.” (Laudato Si’ n°19).
Osons donner vie à “un nouveau dialogue sur la façon dont nous construisons l’avenir de la planète. Nous avons besoin d’une conversion qui nous unisse tous, parce que le défi environnemental que nous vivons, et ses racines humaines, nous concernent et nous touchent tous.” (Laudato Si’ n°14).
Seigneur,
Toi qui as fait le ciel et la terre,
Toi qui es plus grand que tout,
Toi qui connais le cœur de l’homme,
Prends pitié de nous.
Prends pitié de nos doutes, de nos peurs, de nos faiblesses.
Donne-nous le courage d’agir dans l’amour.
Donne-nous la force de choisir, de dire la vérité, même quand personne ne veut entendre.
Donne-nous d’être artisans de paix, de foi, de charité et d’espérance.
Amen.