À l’initiative du Mouvement Laudato Si’, une trentaine de mouvements, associations, congrégations, etc. chrétiens ont signé une lettre aux principales listes candidates aux élections européennes afin de les interpeller sur leur engagements en faveur de l’écologie intégrale. Cette lettre ouverte est destinée aux principales têtes de listes françaises afin de leur rappeler les enjeux essentiels de ces élections pour la sauvegarde de notre Maison Commune et de celles et ceux qui y vivent.

Nous proposons à tous les chrétiens d’interpeller eux-mêmes les candidats avec cette lettre. La marche à suivre pour le faire est détaillée ici (c’est très simple et ne nécessite pas plus de 5 minutes de votre temps). 

Vous trouverez ci-dessous la lettre telle que nous l’avons envoyée aux principales listes. Elle a également été publiée le 9 mai dans le journal La Croix sous la forme d’une tribune.

Cher monsieur …, chère madame …

Vous portez une liste candidate aux élections du Parlement européen. Vous vous engagez ainsi au service du bien commun et nous vous en remercions. Cet engagement courageux vous oblige car vous exercerez votre mandat dans une période marquée par des crise écologiques et sociales qui ont de plus en plus d’influence sur la vie des Européens et de tant d’autres êtres humains. 

Nous, associations, communautés, congrégations catholiques et chrétiennes, sommes particulièrement préoccupées par la crise climatique et environnementale, dans la lignée des enseignements de l’Eglise, en particulier l’encyclique du pape François Laudato Si’ (publiée en 2015) et l’exhortation apostolique Laudate Deum (publiée en 2023). 

Les institutions européennes ont été façonnées par des personnes motivées par le bien commun. Certaines y étaient poussées par leur foi chrétienne, comme Robert Schuman, récemment déclaré Vénérable par le Pape, c’est-à-dire dont la vie est proposée en exemple aux chrétiens. Fondée sur la volonté de créer une paix durable en Europe grâce à une solidarité en actes, l’Union Européenne peut voir dans ce défi de la transition écologique un nouveau projet commun unificateur. C’est pourquoi, en 2024, il nous semble clair que l’UE doit miser sur sa conversion écologique pour rester fidèle aux intuitions initiales.

L’UE a su jouer un rôle pionnier sur le plan climatique dans la mise en œuvre des engagements internationaux, depuis le Protocole de Kyoto jusqu’à l’adoption de l’Accord de Paris. Elle a su se placer en fer de lance de la transition écologique au niveau mondial en se dotant d’un véritable plan pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris : le pacte vert. En s’attaquant aux enjeux climatiques mais également à la biodiversité, aux pollutions et en cherchant une transition juste, le pacte vert inscrit la transition écologique dans une vision systémique et une politique de long terme. S’il nous permet d’aller dans la bonne direction, il doit cependant être mis en œuvre, approfondi et mis en cohérence, notamment sur le plan de la politique commerciale avec de vraies clauses miroir.

Le débat public contemporain tend à opposer les enjeux sociaux et environnementaux. C’est une erreur fondamentale, comme nous le rappelle le pape François :  “Il n’y a pas deux crises séparées, l’une environnementale et l’autre sociale, mais une seule et complexe crise socio-environnementale.”, ce qui implique d’entendre “la clameur de la Terre et la clameur des pauvres”.

Vos engagements pour une écologie intégrale sont donc très importants aux yeux des associations, communautés, congrégations catholiques et chrétiennes que nous représentons et du point de vue de notre foi chrétienne, car “vivre la vocation de protecteurs de l’œuvre de Dieu […] n’est pas quelque chose d’optionnel ni un aspect secondaire dans l’expérience chrétienne.” Nous croyons que notre “intelligence de la foi” peut être une contribution utile au débat public.

Nous vous proposons donc de nous rencontrer ou de nous transmettre par écrit vos engagements pour la sauvegarde de notre Maison Commune. En particulier, nous aimerions savoir si vous vous engagez à soutenir les dispositions du pacte vert en agissant pour :

1, Travailler à une sortie des énergies fossiles, en Europe comme dans le monde. Cela nécessite notamment de : 

    • s’assurer que les institutions européennes ne financent ou ne facilitent pas la construction de nouvelles infrastructures fossiles, comme des terminaux méthaniers par exemple,
    • envoyer des signaux clairs aux acteurs financiers en classant le gaz fossile comme un investissement brun,
    • soutenir l’adoption d’un traité international de non-prolifération des énergies fossiles, qui permettrait une sortie concertée, organisée et compensée des fossiles, dans un esprit de justice internationale.

2, Que l’Union européenne défende la justice climatique internationale, à travers notamment :

    • Un financement par l’UE ou ses membres, nouveau, additionnel et sous forme de dons, destiné aux nations plus pauvres afin qu’elles puissent atténuer et s’adapter  au dérèglement climatique,
    • Un soutien fort aux négociations en cours pour une convention sur la fiscalité à l’ONU, qui permettrait de rééquilibrer les flux financiers liés à l’impôt des multinationales, faisant bénéficier les pays du Sud de davantage de ressources propres,
    • L’abondement du fonds “pertes et dommages”, récemment créé mais insuffisamment doté pour effectivement compenser les souffrances vécues par nos frères et soeurs des pays les plus vulnérables,
    • L’annulation de la dette des pays du Sud qui en ont besoin, pour faciliter leurs investissements dans des politiques d’atténuation et d’adaptation au réchauffement climatique.

 

3, La conversion écologique des systèmes agricoles, ce qui passe par un retournement de paradigme : mettre l’agriculture au service des hommes et du vivant, en passant d’une agriculture industrielle à une agriculture agroécologique qui restaure les écosystèmes, l’eau et la biodiversité, dans le respect de la dignité du travail et des droits humains de chacun et en particulier des agriculteurs. Cette démarche doit être guidée par la recherche d’une souveraineté alimentaire pour tous les pays, y compris ceux du Sud. La souveraineté alimentaire doit être comprise comme l’accès à une alimentation saine, produite avec des méthodes durables, et le droit pour les populations de définir son propre système agricole et alimentaire.
Cette transition vers des systèmes agroécologiques passe donc aujourd’hui passe par deux leviers :

(1) le partage de la terre, c’est-à-dire des mesures de limitation de l’agrandissement des exploitations (régulation du prix du foncier, décorrélation des aides de la PAC de la taille des exploitations, avec une pondération à l’actif).

(2) La promotion de pratiques agroécologiques au sein de l’UE (réduction de l’usage des pesticides) et hors de l’UE en mettant en cohérence les politiques agricoles, commerciales et d’aide au développement, pour limiter le dumping alimentaire et les concurrences déloyales.

 

4, Sortir du “paradigme technocratique” dénoncé par le Pape François, par exemple en refusant les ‘fausses solutions’. Car “nous courons le risque de rester enfermés dans la logique du colmatage, du bricolage, du raboutage au fil de fer, alors qu’un processus de détérioration que nous continuons à alimenter se déroule par-dessous. Supposer que tout problème futur pourra être résolu par de nouvelles interventions techniques est un pragmatisme homicide, comme un effet boule de neige.” Défendre l’absence d’action immédiate en raison de potentielles mais incertaines innovations techniques est une imprudence majeure, sans compter que les techniques apportent avec elles leurs lots de risques nouveaux. Nous pensons aux techniques de captage et de stockage de carbone ou au développement de carburants alternatifs dans l’aviation, qui peuvent désinciter à la réduction immédiate des émissions de gaz à effet de serre notamment par plus de sobriété dans les usages.

 

5, Proposer un horizon au-delà du consumérisme, à travers des politiques de sobriété, comme par exemple des réglementations sur l’affichage environnemental ou de réparabilité, une réflexion démocratique sur la limitation du trafic aérien, une réduction du parc automobile en parallèle de la fin des moteurs thermiques ou la lutte contre l’éco-blanchiment.

Bien sûr, nous vous encourageons à lire les textes publiés par le Pape (en particulier Laudato Si et Laudate Deum), ou à regarder le documentaire La Lettre que le Mouvement Laudato Si a co-produit, qui évoque Laudato Si’ pendant environ une heure.

Pour la sécurité et la paix en Europe, pour la justice dans le monde, pour l’avenir des plus jeunes, nous prions pour vous et votre engagement. Nous restons à votre disposition afin de vous accompagner dans vos discernements futurs.

Avec nos plus respectueuses sollicitations,

Signataires : 

Anne Doutriaux, Coordinatrice France du Mouvement Laudato Si

Sylvie Bukhari-de-Pontual, présidente du CCFD-Terre Solidaire

Emmanuelle Huet, membre du collectif Lutte et Contemplation

Margot Chevalier et Jean-Luc Bausson, coprésidents de Chrétiens dans le Monde Rural (CMR)

Véronique Devise, présidente du Secours Catholique-Caritas France

Anne-Marie Maison, présidente du Mouvement Chrétien des Retraités (MCR)

Soeur Anne Méjat, responsable de la conversion écologique de la province France-Belgique-Tunisie des salésiennes de Don Bosco.

Manon Rousselot-Pailley, présidente du Mouvement rural de jeunesse chrétienne (MRJC)

Philippe Blaise, animateur d’Ecologie Paroles de Chrétiens Nantes – Église verte 44

Arnoult Boisseau, président du CA et Christine Lamolinerie, Vice-Présidente de la Délégation Catholique pour la Coopération (DCC)

Soeur Corinne Tallet, supérieure générale des soeurs de saint François d’Assise

Père François Michon, responsable de la Communauté du Chemin Neuf

Soeur Hélène Noisette, référente Église verte de la Province de France-Belgique des Soeurs auxiliatrices

Christine Vogel, coordinatrice nationale France de la Communauté Mondiale pour la Méditation Chrétienne

Michel Roy, secrétaire général de Justice et Paix

Jacques Debouverie, membre de l’Équipe pastorale de Saint Merry Hors-les-Murs

Nathalie Verhulst, présidente de l’action catholique des milieux indépendants (ACI)

Sébastien Dumont, président d’Oeko-logia

Fabien Revol, directeur du Centre Hélène et Jean Bastaire, Berganty (46)

Pierre Dupouet, référent national CVX-Laudato si.

Frère Columba, prieur administrateur de l’abbaye d’En-Calcat

Frère Jean-Marie, prieur de l’abbaye Notre-Dame de Sénanque

Soeur Thérèse Revault, référente de la Congrégation des Filles du Saint-Esprit.

Frère Marie-Benoît, directeur de l’Académie pour une écologie intégrale – sanctuaire Notre-Dame du chêne

Marcel Rémon, directeur du Centre de Recherche et d’Action Sociales (Ceras)

Soeur Bénédicte-Marie Lecaillon, responsable de l’écologie pour la congrégation des soeurs Trinitaires

Daniel Federspiel, provincial des Salésiens de Don Bosco

Philippe Leroux, président des Chrétiens dans l’Enseignement Public (CdEP)

Patrick Raymond, président de l’Action Catholique des Enfants (ACE)

Alfonso Zardi, délégué général de Pax Christi France

Gilbert Landais et Elisabeth Flichy, coprésidents de Chrétiens Unis pour la Terre (CUT)

Dominika Ercsey et Sandrine Nourry, responsables de la Fraternité Politique du Chemin Neuf