En tant que catholiques unis pour notre maison commune, nous appelons de toute urgence le Conseil européen et le Parlement européen à faire usage de leur véto et à rejeter l’acte délégué complémentaire de la taxonomie sur le climat, ainsi qu’à retirer le gaz et le nucléaire de la liste des activités durables sur le plan environnemental.

Les personnes de foi désinvestissent en masse des énergies sales que sont le charbon, le pétrole et le gaz, et réinvestissent dans des solutions en faveur du climat. Selon elles, il n’existe pas d’avenir pour le greenwashing de l’industrie fossile et des gouvernements qui subventionnent l’injustice climatique. Ainsi que l’a dit le pape François, « c’en est assez de la soif de profits qui pousse l’industrie des énergies fossiles à détruire notre maison commune ». Au cours des dix dernières années, 1 485 institutions ont retiré environ 40 milliards de la destructrice industrie des énergies fossiles. Parmi celles-ci, on retrouve 307 institutions catholiques qui ont fait le choix moral et éthique de désinvestir afin que les combustibles fossiles restent sous terre. La Stratégie de sortie des combustibles fossiles démontre que le monde a d’ores et déjà accès à un potentiel d’énergies renouvelables suffisant pour réaliser confortablement une sortie des énergies fossiles, tout en offrant un accès à l’énergie à tous et à toutes. Dans sa Net Zero by 2050 Roadmap, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) déclare qu’aucun nouvel investissement dans les énergies fossiles ne peut être effectué sous peine de ne pas respecter l’objectif des 1,5°C de l’accord de Paris que l’UE souhaite atteindre entre 2030 et 2050.

Le 2 février 2022, la Commission européenne a présenté un acte délégué complémentaire relatif au volet climatique de la taxonomie portant sur l’atténuation et l’adaptation au changement climatique et couvrant certaines activités gazières et nucléaires. La Taxonomie de l’UE vise en général à orienter les investissements privés vers les activités nécessaires pour atteindre la neutralité climatique et à fournir aux entreprises, aux investisseurs et aux décideurs politiques des définitions appropriées pour les activités économiques pouvant être considérées comme écologiquement durables. Rédigée dans le but de protéger les investisseurs privés du greenwashing, l’acte délégué complémentaire relatif au volet climatique de la taxonomie s’est transformé en un outil de plus pour le greenwashing de l’énergie fossile qu’est le gaz et de la dangereuse énergie nucléaire, présentées comme durables pour l’environnement. Cet acte n’aidera pas les entreprises à devenir plus respectueuses du climat, n’atténuera pas la fragmentation du marché et ne permettra pas de réorienter les investissements vers les énergies renouvelables, là où ils sont le plus nécessaires. L’année 2021 fut une année charnière pour les investisseurs préoccupés par le changement climatique et la justice sociale. Ils ont pu réorienter leurs investissements dans un contexte d’afflux record vers les fonds axés sur les questions environnementales, sociales et de gouvernance (ESG).

De nombreuses institutions se sont déjà désengagées des énergies fossiles et le désinvestissement joue un rôle essentiel dans le transfert des flux financiers vers une « transition rapide vers l’énergie verte qui se traduira probablement par des économies nettes globales de plusieurs milliers de milliards de dollars – même sans tenir compte des dommages climatiques ou des co-bénéfices de la politique climatique ». Et ce processus se poursuit imperturbablement, parallèlement à l’essor des investissements verts durables.

Même la nécessité d’un grand nombre d’investissements privés pour que l’UE devienne neutre sur le plan climatique d’ici 2050 ne peut justifier la dernière intention de la Commission européenne d’inclure le gaz fossile et le nucléaire dans la liste des activités « durables sur le plan environnemental » et d’adopter l’acte délégué complémentaire relatif au volet climatique de la taxonomie. En incluant le gaz fossile dans la taxonomie, l’Union européenne ne fait pas clairement savoir aux investisseurs privés qu’ils doivent cesser d’investir dans le gaz fossile et réorienter les flux financiers vers des investissements véritablement en faveur du climat. Cela pourrait nuire à l’ambition de l’UE d’être un leader mondial en matière de réduction des émissions. Atteindre les objectifs qu’elle s’est fixés pour 2030 signifie réduire la consommation de gaz fossile dans toute l’UE de 32 à 37 %, ce qui est incompatible avec de nouveaux investissements dans le gaz. Le gaz est un combustible fossile et ne peut être durable sur le plan environnemental. Selon l’AIE et les objectifs climatiques de l’UE pour 2030 Fit for 55, il est totalement incompatible avec la limitation du réchauffement climatique à 1,5 °C.

Le nucléaire ne contribue pas aux objectifs climatiques et, selon les principes de réglementation de la taxonomie et d’autres ressources, il ne peut être défini comme durable. Il utilise de l’uranium pour alimenter des turbines, et celui-ci s’accompagne d’importantes émissions de gaz à effet de serre pendant son extraction, son broyage et son utilisation. Le rapport du JRC définit les principales phases du cycle de vie de l’énergie nucléaire qui contribuent de manière significative aux impacts radiologiques potentiels sur l’environnement et la santé humaine comme étant : l’extraction et le traitement de l’uranium, la production d’électricité au moyen de réacteurs à fission nucléaire et le retraitement du combustible nucléaire usé. Les risques d’accidents nucléaires catastrophiques ne doivent jamais être ignorés, tout comme le fait que le nucléaire présente des risques environnementaux et sociaux importants à tous les stades de sa chaîne d’approvisionnement.

Il est prouvé que le nucléaire est une source d’énergie dangereuse, sale et coûteuse. Les matières radioactives présentes dans les panaches des centrales nucléaires peuvent être la source de graves pollutions pour les personnes, les terres, les bâtiments, la nourriture, l’eau et le bétail. L’exemple de Tchernobyl, la pire catastrophe de l’histoire de la production d’énergie nucléaire, montre que même 36 ans après la catastrophe, une zone de 30 km carrés est toujours gravement radioactive et ne peut être ni habitée, ni exploitée pour l’agriculture. La zone de 160 km² est contaminée au-delà des normes de sécurité. Plus de 8,4 millions d’habitants de trois pays ont été irradiés, ce qui a entraîné une augmentation exponentielle des cancers, des leucémies, des maladies congénitales chez les enfants et d’autres effets irréparables. 300 000 personnes sont devenues des réfugiés.

Il n’est plus aujourd’hui nécessaire de mettre en danger tant les personnes que la nature à travers l’utilisation d’une énergie nucléaire dangereuse. Les énergies renouvelables et le progrès technique nous ouvrent une autre voie. « Il est possible d’élargir de nouveau le regard, et la liberté humaine est capable de limiter la technique, de l’orienter, comme de la mettre au service d’un autre type de progrès, plus sain, plus humain, plus social, plus intégral » (LS §112).

Avec cette déclaration, le Mouvement Laudato Si’ rejoint l’appel prophétique de Laudato Si’ et les multiples voix de la société civile plaidant pour une transition juste et véritablement verte. Nous appelons les institutions religieuses européennes à signer notre déclaration via ce lien et à exiger du Parlement européen et du Conseil européen qu’ils respectent et mettent en œuvre l’objectif de la stratégie Fit for 55 de l’UE. Celui-ci n’est pas compatible avec une qualification du gaz et du nucléaire comme énergies durables dans les investissements à venir. La dépendance au gaz des pays de l’UE est certes énorme, mais cela signifie simplement qu’il est grand temps de mener une action politique radicale afin de couper les liens avec les acteurs du marché des énergies fossiles sales. Et ce moment est venu.