Alors que le Parlement Européen se prépare à voter demain la décision de mettre ou non un veto à l’Acte Délégué Complémentaire relatif aux objectifs climatiques, lors de sa réunion plénière à Strasbourg, CIDSE, le Centre Social Jésuite Européen (JESC) et le Mouvement Laudato Si’ expriment leur inquiétude et appellent les législateurs à préserver l’intégrité de la taxonomie européenne, et l’exemplarité de l’engagement de l’Union Européenne pour le climat.
Le contenu actuel de l’Acte Délégué Complémentaire relatif aux objectifs climatiques est une source de préoccupation pour ces organisations, qui travaillent à promouvoir une véritable transition écologique qui réponde à la fois au “cri de la Terre et au cri des pauvres”, comme l’y invite l’encyclique Laudato Si’.
Les critères utilisés par cet acte délégué pour classer le gaz et l’énergie nucléaire comme énergies “vertes” ne sont pas cohérents avec les avis des experts scientifiques de la Plate-forme Européenne sur la Finance Durable et au Groupe d’Experts techniques. Cela menace la crédibilité de la taxonomie.
La taxonomie européenne et un outil précieux pour aider à déplacer massivement les capitaux de l’investissement dans les combustibles fossiles vers celui dans les activités durables, pour répondre aux objectifs du Green Deal (Pacte vert pour l’Europe). Beaucoup d’organisations chrétiennes ont décidé de désinvestir des combustibles fossiles durant ces dernières années. Elles représentent 35% de l’ensemble des engagements de désinvestissement dans le monde et aujourd’hui, plus de 30 nouvelles institutions religieuses annoncent qu’elles désinvestissent des entreprises du domaine pétrolier et du gaz.
Les critères de cet acte délégué ont également été établis sans respecter le processus démocratique qui aurait été nécessaire : le Parlement Européen n’a pas consulté comme prévu par la Commission Européenne avant la publication ; la Commission a aussi refusé la demande du Parlement de mener une étude d’impact sur les effets de cet acte délégué, et elle ne s’est pas engagée dans des consultations publiques. Cela pourrait constituer un manquement à la loi européenne.
Dans sa formulation actuelle, l’acte délégué n’est pas cohérent avec les objectifs du plan REPowerEU, dont le but est de mettre fin à la dépendance de l’Union européenne vis à vis des combustibles fossiles russes.
Cet acte délégué aura des conséquences négatives sur les foyers les plus vulnérables en Europe et incitera à la poursuite de l’extractivisme et à la surexploitation des ressources naturelles. Déclarer vertes l’énergie et la chaleur générées par des centrales nucléaire et au gaz donnera carte-blanche aux investisseurs pour continuer à ne pas remettre en question leur manière de travailler, en restant dans une logique de “business-as-usual”. Le gaz est aujourd’hui la principale cause de la crise énergétique en Europe et son prix ne fera que continuer à augmenter, le rendant inabordable pour les foyers les plus modestes.
L’énergie nucléaire est une source d’énergie non durable à la fois socialement, environnementalement et économiquement parce qu’elle ne peut pas procurer une transition juste et viable sur le long terme. De plus, l’urgence du changement climatique rend tout investissement dans de nouvelles infrastructures utilisant le gaz incompatible avec la préservation d’une limite en dessous de 1.5°C pour le réchauffement climatique International Energy Agency, Net Zero by 2050, May 2021). La Commission Européenne elle-même (Impact Assessment SWD(2020) 176 final) a conclu que pour atteindre les objectifs de réduction d’émissions fixés pour 2030 pour l’Union européenne, la consommation de gaz dans l’UE devrait diminuer de 32 à 37% d’ici la fin de la décennie.
Le “label vert” accordé par cette proposition entre entièrement en contraction avec les ces éléments factuels ; il permettra à des sources d’énergie risquées de recevoir des nouveaux investissements à des taux d’intérêt favorables, et ainsi de poursuivre et même d’augmenter les niveaux d’émission des gaz à effet de serre. Cela reporte le fardeau de réduire les émission des de gaz à effet de serre sur les générations futures et sur les autres régions du monde. À la fois le Traité de Lisbonne (Art. 208) et l’Agenda 2030 (SDG 17) déclarent que les politiques de l’Union Européenne ne devraient pas compromettre les objectifs de développement de ses partenaires dans les pays du Sud. L’Union Européenne doit diminuer sa consommation de manière urgente et diminuer la pression de l’extraction des ressources naturelles des pays du Sud, libérant ainsi des ressources pour le développement des secteurs cruciaux des énergies renouvelables , du développement des infrastructures et de l’accès à l’énergie.
CIDSE, JESC et le Mouvemente Laudato Si’ appellent le Parlement Européen à rejeter l’Acte Délégué Complémentaire relatif aux objectifs climatiques, qui compromettrait gravement l’atteinte des objectifs de l’accord e Paris et les objectifs de réduction d’émissions de 50% en 2030 de l’Union Européenne, et marquerait un recul inquiétant dans la réalisation d’une transition écologique véritable et juste.