Oui, un enfant nous est né,
un fils nous a été donné !
Sur son épaule est le signe du pouvoir ;
son nom est proclamé :
« Conseiller-merveilleux. » (Isaïe 9,5)
Lundi 25 décembre
NATIVITÉ DU SEIGNEUR — SOLENNITÉ
Jean 1,1-18
Nous voici arrivés, après ce voyage, devant la grotte de Bethléem ! Aujourd’hui, nous trouvons le prologue de Jean qui illumine cet humble endroit et nous aide à comprendre le mystère. Un texte qui est exigeant, parfois difficile à comprendre. Après tout, la scène d’aujourd’hui n’est pas facilement compréhensible non plus : Dieu, dans son immensité, choisit de se priver, de prendre notre nature humaine et nous ne lui avons même pas offert une place à l’auberge !
Le prologue nous présente le protagoniste de l’Évangile : le Verbe. C’est une hymne à la Parole, un magnifique poème ! Quoi de mieux que la poésie pour décrire la beauté, pour décrire l’abondance ?
Dans l’hymne, la Parole est présentée dans sa relation à Dieu, sa relation à la création, sa relation à l’histoire, jusqu’à ce que la Parole devienne chair, quand nous voyons Dieu face à face, comme devant cette crèche riche de douceur et de mystère. Qu’est-ce que la Parole ? Si nous y pensons, la Parole est ce qui donne son existence à chaque personne. Sans la Parole, l’humanité n’existe pas, ne se relie pas, ne vit pas.
Ce qui est au début sera aussi à la fin, ce qui nous attend. Au commencement ou, plutôt, avant le commencement, il n’y avait ni chaos ni confusion. Au commencement, il n’y avait ni action ni destin. Au commencement, il y avait « la Parole ». Le terme « Parole » vient de « parabello », ce qui signifie « mettre dehors ». Avec la Parole, l’homme met dehors, s’expose, s’offre, va plus loin que lui-même. L’homme est exposé et écouté, ce qui correspond à la Parole. Dieu lui-même est la Parole, la liberté, la communication, l’amour. Celui qui parle ne dit pas des choses, mais, s’il dit la vérité, il se dit lui-même. En fait, quand deux ne parlent plus, c’est un désastre. Dieu est la Parole, un don.
Dire qu’au commencement était le Verbe indique aussi que dans le destin de l’homme est le Verbe. Cependant, ce Verbe peut être mensonge. C’est pour cela que François, qui a introduit la beauté de la représentation « vivante » de cette grotte, souligne le risque de la Parole, une source de mensonges pour louer Dieu, et préfère utiliser toute la création au lieu des mots. En louant Dieu à travers la création, il n’y a au moins pas de risque d’être hypocrite, faux.
D’après l’histoire hébraïque de la création, le monde a été créé avec les lettres de l’alphabet : une façon très intelligente de dire que le monde est intelligible, compréhensible. C’est pour cela que, pour certains juifs, le monde est « dominé » quand on nomme les choses, quand on utilise des mots. Tout arrive à travers la Parole.
Dieu dit, crée tout, la lumière, le ciel, le jour, la nuit, les eaux. Quand il crée l’homme, il crée celui qui peut lire la création. Comme nous oublions ce don de lire la création ! S’il y a de la belle musique et si personne n’écoute, cette musique n’est pas belle, elle n’a même pas de sens. Alors, nous, humains, risquons de traiter toute la beauté de la création en la vidant de son sens avec notre indifférence.
Cette Parole devient chair : elle change l’économie de la Parole. Comment devient-elle chair ? L’homme vit selon la Parole et Jésus a vécu dans sa chair la Parole du Père. Quand nous vivons la Parole de Dieu, c’est comme si nous commencions de vivre la limite et la fragilité de notre chair d’une façon divine, en relation avec les autres, en relation avec la création, en relation avec la clameur des pauvres et des fragiles. Dans ma chair fragile, je peux être un enfant de Dieu si la Parole de Dieu demeure en moi. La grotte de Bethléem que nous avons visitée dimanche dernier est l’endroit qui, pour la première fois, a vu cette chair, cette nouvelle voie pour toute l’humanité.
Combien de lumière, devant ces bergers, qui, aujourd’hui, pourraient aussi être nous, là par hasard, la nuit, dans le travail quotidien, dans le souci de la vie ! Personne n’a jamais vu Dieu, même si nous le créons souvent à notre image, comme cela nous convient. Dieu est la Parole, la Parole n’est pas vue, mais elle doit être comprise. La Parole est dite à travers la vie. Le Fils, avec sa vie, avec sa chair, nous dit ce que Dieu est. Toute la vie de Jésus, depuis cette grotte, est un récit de Dieu. C’est une « exégèse », « exposer », il nous expose, nous explique que cet homme est un enfant, un frère. Ce Dieu que nous essayons tous d’imaginer comme nous le voulons se révèle en humanité, comme l’a vécu Jésus.
Combien de magnifiques couchers de soleil avons-nous ratés, avec nos yeux sur les télévisions et les téléphones ? Combien de ciels étoilés spectaculaires ! La création est une Parole objective : à travers la Parole, l’homme devine, interprète la création, trouve du sens, cherche la signature du créateur. Seul l’homme accomplit cette tâche. Cependant, il arrive que la lumière, qui illumine le monde depuis cette grotte, ne soit pas bien accueillie par l’obscurité. Dans le monde, il y a de la peur, un mensonge qui ne saisit pas la Parole. Saisir signifie comprendre, mais aussi emprisonner. L’obscurité ne comprend pas la lumière, mais elle ne peut même pas l’étouffer. Avec ce double sens, l’importance est accordée à l’humilité de cette grotte, au drame d’un Dieu qui est né, mais qui n’est pas reconnu par les hommes.
Le plus beau souhait, à Noël, est de contempler cette scène de Bethléem avec les yeux de sainte Claire d’Assise, qui a dit : « En haut du miroir, en effet, voici la pauvreté de l’Enfant couché dans la crèche et enveloppé de quelques méchants langes, humilité admirable et stupéfiante pauvreté : le Roi des anges, maître du ciel et de la terre, repose dans une mangeoire d’animaux ! Au milieu du miroir, considère l’humilité, c’est-à-dire la bienheureuse pauvreté, les fatigues sans nombre et les injures qu’il a subies pour la rédemption de l’humanité. Enfin, au bas du miroir, contemple l’ineffable amour qui l’a conduit jusqu’à vouloir souffrir sur le bois de la croix et à vouloir y mourir du genre de mort le plus infamant qui soit. Et ce miroir, du haut de la croix, attirait lui-même l’attention des passants sur ce qui devait faire l’objet de leur contemplation : Ô vous tous qui passez sur le chemin, arrêtez-vous et voyez s’il est une douleur semblable à la mienne ! À ce cri plaintif, répondons toujours d’une seule voix et d’un même cœur : ton souvenir ne me quitte pas, et l’angoisse étreint mon âme. » (FF 2904)
Dans cette Parole, le destin de l’homme est joué : dans la lumière de cette Parole, nous pouvons comprendre toute la beauté de ce qui est arrivé dans la crèche de Bethléem et, peut-être, notre Noël, à la fin de cette recherche de plusieurs semaines, prend une saveur plus douce.
Nous vous souhaitons sincèrement un joyeux Noël !
Laudato Si’ !